
Liberté, j’écris ton nom.
17/02/2019Partir. Péter un câble et m’en aller.
Le but de ce week end, c’était d’en profiter pour aller rouler, se défouler et oublier les problèmes de ces derniers jours.
Mais en fait, ca m’a principalement permis de faire un constat peu agréable, et qui vient m’achever.
Hier après midi, nous roulions en direction du Lac Vassivière, un endroit sublime.
Au bout de routes très sinueuses, se trouve un lac d’un bleu profond, encadré par une forêt couleur rouille, et dont l’île centrale est encadrée par de beaux et longs ponts.
Un beau programme, donc.
Enthousiaste, j’enfourche la belle, et me lance à la suite de mon homme et de notre ami.
Heureuse d’enfin retrouver de vraies routes, de celles qui tournent et qui virent.
De celles qui serpentent dans les bois, dont le bitume se tient et n’est pas troué.
De celles qui sont tellement belles, que lorsque l’on roule dessus, elles nous font regretter de ne pas avoir pu filmer.
Les virages sont doux, ronds, et c’est avec plaisir que nous les enchaînons.
Rapidement, le rythme des virages augmente, eux même se resserrent, et alors que les deux flèches devant disparaissent au loin habilement, je sens la douleur monter peu à peu.
Dans le genou, puis la cuisse, l’aine.. Puis le dos, les épaules… pour finir dans les mains.
Je ralentis le rythme, et la douleur reste et progresse.
Je change de position, d’allure, mais rien n’y fait. Tous mes virages sont pris à l’arrache, mordent la ligne, … Et me font mal.
Jusqu’au moment où un virage à droite se resserre un peu plus sur la fin, et qu’au moment de le refermer, mes épaules se bloquent, et que la Noireaude, au lieu de pencher, se redresse.
Je me vois partir en vol plané au-dessus du vide qui borde ces belles routes, au milieu des feuilles de feu tombant des arbres, pour atterrir dans le bleu jean du lac en contre-bas.
Je vois la Noireaude, explosée contre un arbre.
Et je le ressens, ce trou immonde et dégueulasse qui loge dans mon ventre depuis décembre. …Cette saloperie.
Je me détend au tout dernier moment, freine de l’arrière, sors les épaules, et penche le plus possible.
Les pneus de la belle lèchent le bord de la route avant de nous ramener en sécurité sur le bitume.
Mon coeur s’est mis en pause. J’ai peur.
Je ressens le besoin urgent de m’arrêter, et allume mon intercom pour prévenir ma moitié. “Ne t’en fais pas, on est bientôt arrivés.. Roule doucement et ça ira !“.
Je m’exécute, mais c’est déjà trop tard.
Durant le reste du trajet, j’y penserai.
Une fois arrivés, et même devant ces paysages singuliers, j’y penserai.
Et sur le retour, j’y penserai.
Je penserai, de manière inextinguible, à une seule chose : je suis de retour à la case départ.
Toute l’expérience accumulée pendant les 23 000km d’avant l’accident s’est envolée, partie en fumée.
Je ne sais plus prendre un vrai virage.
Je ne sais plus “rouler”…
…J’ai l’impression qu’on vient de me couper les ailes.
Merci Loup de partager ton parcours, les étapes du permis, de la route, et bien plus. Le taf, les peurs… La moto est une thérapie. Oui elle fait sortir de la zone de confort (c’est le principe pour avancer) et tu le fais bien! Alors évidemment ce n’est pas toujours confortable.
Ne pas lâcher.
J’ai mon permis depuis 2 mois. J’ai plus de 50 ans. Parfois peur de mon ombre. Parfois seulement hein!? M’en fout j’y arriverai.
Peut être qu’après un traumatisme comme l’accident, une tite séance d’hypnose ou autre thérapeutique pour désamorcer ? ✌️
Bravo et merci 😎 🏍️
Toujours un réel plaisir à te lire même sur le sujet de cette peur qui s’est rappelle à toi.
Il te faudra vivre avec et l’apprivoiser. C’est ton instinct de survie qui se manifeste.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai pris quelques gamelles dont celle d’un 1er janvier 88 dans les gorges du Gardon où je me suis arrêté après une belle glissade due au verglas contre un poteau blanc de virage avec mon casque qui s’est retrouvé tatoué de la marque du poteau sur le côté gauche. (élongation des ligaments, 35 ans après cela craque encore quand je tourne la tête).
Cependant une chose est certaine, j’ai toujours autant de plaisir à rouler mais il est vrai que sur quelques passages de routes humides ou gravillonnées, ou quand la température s’approche du zéro… je repense forcément à cette foutue plaque de verglas dans un virage resté à l’ombre toute la journée.
Je perds un peu de ma sérénité (ou insouciance ?) mais une fois que je me dis “c’est bon je suis prudent”, cette peur me laisse tranquille et mes bras se détendent et je retrouve ma conduite plus souple 🙂
Bonne route et continue à te faire plaisir avec ta Noireaude quitte à rouler moins vite 😉
En tout cas, le but de votre balade est magnifique… Superbes photos
V
José