Devenir Apprentie Pirate.
28 octobre 2018(Pavé César)
Lorsque j’ai su que Vie de Motard avait besoin de bras pour aider cette année à la rando TT Pirate, je n’ai pas réfléchi, et ai proposé immédiatement mon aide !
Tout ce que je savais, c’est que j’étais disponible ce week-end là, qu’ils avaient besoin d’aide, et que je voulais rouler.
Mis ensemble, cela se combinait relativement bien, et il ne me manquait plus qu’à avoir un peu d’organisation personnelle pour gérer des broutilles comme le logement, les frais d’essence, vérifier l’état de ma monture, tout ça… autrement dit, rien de bien important ou vital en soi !
…C’est cette fâcheuse tendance à être plus cigale que fourmi, qui me vaudra ce week-end le regret de ne pas m’être réellement préparée à ce qui allait m’attendre…
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Vendredi.
J’ai peur.
Depuis que je me suis réveillée, je suis envahie doucement mais sûrement d’un sentiment d’inquiétude, que je n’avais jusqu’alors jamais ressenti en partant sur les routes.
– Est ce par ce que je pars seule sans mon homme ?
– Est ce à cause du froid polaire annoncé ?
– Suis je suffisamment préparée à ce qui m’attend ?
– Que faire si quelque chose tourne mal ?
– …
Je ne sais pas.
J’ai l’impression de partir toute nue et désarmée pour aller affronter un monstre bien plus gros que moi. Je regarde mon homme, ma gorge se serre. Je le prend dans mes bras, le serre fort, et je l’entend me dire « Il va être 10h, tu vas être en retard, dépêche toi ! » …
Il a raison. Je ravale mes pensées, et finis mes bagages.
20h, cela fait presque 09h que je suis partie, il me reste environ 1h30 de route. J’ai perdu pas mal de temps en me perdant à plusieurs reprises, mais cette fois-ci il fait nuit, et mon téléphone est en train de me lâcher assez violemment.
J’avise un camion-pizza au bord de la route, et m’arrête pour lui demander une feuille et un crayon afin de noter la fin de mon trajet.
Oui, je suis perdue, oui, je n’ai plus de batterie, MAIS je reste assez optimiste pour me dire que je peux lire un roadbook papier écrit sur un post-it pendant que je roule de nuit.
Et c’est effectivement ce que je vais faire, le temps que mon téléphone se recharge un peu.
21h45, j’arrive enfin, pose la belle au premier endroit que je trouve, coupe le contact et espère innocemment me fondre dans la masse.
Ou pas… car à mon arrivée, le briefing est déjà entamé, et se déroule là où je suis garée… Du coup, tout le monde s’arrête et se retourne pour observer la nouvelle arrivante… pour la discrétion, on reviendra, hein…
Passé un moment de gêne ultime pendant lequel j’aurais aimé disparaître sous terre, plusieurs Pirates viendront me proposer leur aide pour monter ma tente, et heureusement, car entre mes deux mains gauches et la fatigue, je pense très sincèrement que seule je n’y serais jamais arrivée… (encore merci à mes héros du soir !)
La nuit est froide, humide, et malgré de multiples couches de vêtement, et un bon sac de couchage, je ne finis par avoir « chaud » qu’à partir de 05h30/06h00 du matin, pour un réveil à 07h20. Autant dire que je ne suis ni fraîche, ni pimpante au moment de me lever..
Pourtant, j’avais essayé de me préparer !
– – –
Samedi.
Je sors de la tente au radar à 07h55, en quête des Pirates que je suis sensée suivre pour la journée, mais malheureusement nous nous manquons de peu…
J’ère alors un peu sur le camp, jusqu’à ce qu’on m’explique gentiment que je serais du coup adoptée par l’équipe « assistance » pour la journée, qui suit en 4×4 la trace des Pirates pour ramasser marins et navires abîmés !
Les derniers groupes décollent, et nous prenons place à bord d’un énorme tout-terrain rouge, piloté par Jean-Louis, un homme dont la compagnie fut très agréable, et qui restera parmi les belles rencontres de ce week-end !
Nous perdrons un membre d’équipage en cours de matinée, parti vers d’autres horizons. Cependant, deux demoiselles monteront à bord avec nous, Agnès, baroudeuse motarde et pilote de 4 roues tout terrain; et Sandrine, une participante, blessée et ne pouvant plus continuer sereinement sans prendre le risque de se faire mal à nouveau.
J’en profite d’ailleurs pour saluer à nouveau le courage d’Agnès, qui a ramené au milieu du brouillard, de la pluie, et du froid, la monture de Sandrine jusqu’au camp pendant que nous étions au chaud dans le 4×4!
En fin d’après-midi, nous rejoignons enfin l’équipe « média », et avons le plaisir de pouvoir les observer à l’oeuvre : prise de photos, installation des cameras pour les plans, choix des lieux de passage… un régal !
J’en profite pour sortir mon téléphone et prendre quelques photos, jusqu’à ce que ce traître décide qu’il fait trop froid pour lui, et je le vois alors s’éteindre et refuser tout allumage. Joie.
La journée se déroule, et je constate peu à peu que la fatigue accumulée entre le voyage la veille, et la nuit de 2h à peine, me pèse.
Internet annonce des températures encore plus froides (négatives..) le soir même et le lendemain, et les 08h de route qui m’attendent pour rentrer à la maison finissent de me convaincre de ravaler ma fierté, et de prendre une chambre dans un hôtel conseillé par Agnès.
Une fois rentrés au camp, nous démontons la tente et rassemblons en hâte mes affaires, chargeons son 4 roues avec, et nous lançons sur la route pour l’hôtel, elle devant, la Noireaude et moi derrière !
Mais à peine arrivées au bout du village, l’intensité du brouillard est telle que la décision est prise de rentrer au camp, pour manger avec les autres, charger ma belle sur une remorque, et reprendre la route après, très, très, très doucement.
En même temps, quand on ne voit pas à 2m, que la route est humide et qu’on est perdus en campagne, il vaut mieux ne pas tenter le diable….
Nous rentrons donc, et discutons un peu avec les autres. C’est ainsi que Cédric, participant, me fera l’immense honneur, que dis-je, l’incroyable privilège, de me donner Cocotte/Isabelle, une poule qui fait « poueeeec » quand on appuie dessus, qu’il a ramenée d’Asie spécialement pour l’occasion, et attachée à sa moto lors de la rando du jour !
Je passe les détails du resto, l’essentiel étant de retenir que nous y avons passé un bon moment, ainsi que la tête du patron lorsqu’il a vu son resto se remplir de motards (nous avons refait son chiffre d’affaire..) !!
Le repas fini, Agnès et Val (son compagnon de voyage) installent avec gentillesse ma monture sur la remorque, pendant que je fais un dernier tour dans le camp, pour aller saluer celles et ceux qui font de la rando TT Pirate ce qu’elle est : un événement unique, à l’ambiance conviviale et un poil givrée, juste comme on aime !
Je ressens alors un pincement au cœur à l’idée de ne pouvoir en profiter plus longtemps, à ne pas pouvoir passer plus de temps à essayer d’apprendre à connaître ces aventuriers fans de cailloux, boue, pluie et gamelles.
Mais dimanche soir m’attend quelqu’un à la maison, et avec mes 08h de route (minimum), je n’ai d’autre choix que de partir tôt le matin…
Les au revoir et remerciements distribués, nous prenons la route en direction de l’hôtel, à toute petite allure, Val au volant, Agnès allongée derrière et donnant les instructions (lecture de la route via le GPS, le brouillard étant trop épais), pendant que je prie sur mon siège tout ce que je peux d’arriver entiers à destination, humains et machines.
Et c’est ce que nous ferons (bien joué Val et Agnès) !
Une fois arrivés, le temps de vider mes affaires, mettre à sécher ce que je peux, téléphoner un peu à mon homme, et je m’effondre lamentablement de sommeil au milieu d’une chambre qui est dans un bordel innommable…
Je ne vous raconte pas le regret le lendemain en voyant tout ce qu’il me restait à ranger !
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Dimanche.
07h.
Un coup d’oeil dehors m’indique que ma faiblesse m’a épargnée une longue nuit de souffrances… car dehors, tout est blanc. Le sol, les buissons, les arbres, le ciel…. tout est couvert de neige et de givre. Tout.
Mon premier réflexe est de sourire, candide que je suis, face à toute cette beauté hivernale. Puis la réalité me frappe de plein fouet, résumée en une phrase : comment fait-on pour conduire sur la glace…?
Peu après, Quentin me fait savoir, via Adrian au téléphone, que je me trouve de plus dans « l’endroit le plus neigeux d’Ardèche », que « c’est une cuvette » et que je dois « partir au plus vite avant d’être coincée ».
Moi qui ne suit pas du matin, je peux vous assurer que cela m’a réveillée directement.
Ni une ni deux, je préviens Agnès au cas où, (mais elle ne s’en inquiète pas, son 4×4 pouvant sans peine évoluer sur ce type de terrain), et entame le rangement de mes affaires, d’abord méticuleusement, puis en jetant tout en tas dans mes sacs, comme une grosse sauvage. Gnark.
Après un petit dej avec Val et Agnès, je replie la tente dans un des couloirs de l’hôtel, et embarque tout, direction la Noireaude. La belle, endormie dehors sous une bâche, est elle aussi recouverte de neige. Je prend une seconde pour la contempler, et elle me fait de la peine, elle qui dort habituellement bien au chaud dans le garage…
La bête harnachée, j’attends sagement Adrian, venu me rendre une veste de pluie prêtée la veille, et également m’accompagner sur un bout de route « pour plus de sécurité ». Si c’est pas trop gentil ça, monsieur le connard tonique… euh, motard bionique, pardon!
Une fois ensemble, il me conseille sur la conduite à avoir sur route gelée/froide, et nous partons.
En dépit d’un froid mordant, et ayant dévoré une partie non négligeable de ma capacité à bouger les doigts et les orteils, mon moral est au beau fixe… Car je roule avec un ami, au milieu des premières neiges de l’année, perdue en Ardèche.
Malgré une belle appréhension à chaque virage, une petite frayeur en passant sur un bloc de neige en virage, le nez qui coule, la visière pas étanche, les aérations ouvertes du blouson qui laissent passer le froid, et les orteils et doigts douloureux à force de geler, ce fut probablement un de mes meilleurs moments à moto jusqu’à maintenant !!
(Et en plus, on a pu faire des pauses photo! )
À mes yeux, Il n’y aura je pense rarement plus magique que ces instants pleins de simplicité, où l’on ne voit à l’horizon que du blanc, clairsemé de sapins couverts d’une neige qui tombe encore, le tout pendant que l’on essuie sa visière en faisant crisser le givre qui s’y crée au fur et à mesure que la neige s’y dépose….
Nous faisons route ensemble jusqu’à Langogne, où nous prendrons chacun une route différente après avoir pris le temps de nous réchauffer dans un resto/café sentant bon la patate et la viande..
La neige sera encore présente quelques kilomètres, puis laissera place à un paysage automnal plus classique, rouille et feu, piqué de vert.
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Pendant ce temps, un TDM et son motard foncent à toute allure en direction de Cahors, puis de Villefranche-de-Rouergue….
Lorsque je l’y rejoins, cela fait déjà 2h30 qu’il est arrivé et m’attend. Nous prenons le temps de me laisser fondre à l’intérieur du McDo le plus proche, et de manger un bout.
Puis il se propose de prendre mes bagages sur sa moto, pour limiter ma fatigue (apparemment j’avais l’air explosée), ce que j’accepte avec plaisir (j’assume ma faiblesse, de toutes façons j’avais renoncé à dormir au camping la veille, donc ma fierté n’était plus à ça près !).
Nous prenons donc ensemble la route retour pour les froides et longues dernières heures de ce périple…
Je vous avoue que voir mon homme traverser un bout de France juste pour venir m’aider et me soutenir dans mes projets à la noix m’a réchauffé le coeur…
21h15, nous arrivons à Bordeaux, gelés, mais dans les temps pour accueillir Tony, de Tony Black and the Collectors, rencontré en Bretagne il y a une semaine.
( D’ailleurs, va écouter ça et donne moi ton avis en commentaire.. Allez, ca dure 1min.. Je t’attend, je ne bouge pas, promis.)
Tony, c’est un quarantenaire anglais, anciennement professeur au Royaume-Uni, et ayant décidé suite à son licenciement de réaliser son rêve : voyager en vélo pour faire connaître sa musique. Actuellement, il fait un petit London/Barcelona, tranquille, amenant son sourire et sa bonne humeur sur son passage. Du coup lorsque je l’ai croisé en Bretagne, je lui ai proposé à son passage à Bordeaux de venir chez nous dormir au chaud !
Nous discutons tous les trois un bon moment, jusqu’à ce que la fatigue nous rattrape, et que nous partions chacun dans nos lits respectifs nous étaler mollement, exténués de nos différents voyages.
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Bref, tout ça pour vous dire : la rando TT Pirate, avec un vrai équipement d’hiver, si je le peux je la referais. Côté Staff, et qui sait… Peut-être côté participant..?
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Portrait par Les Aventures D’un Motard Bionique