Quinze jours.
2 mars 2018Cela fait maintenant 15 longues journées que je n’ai pas pu enfiler mon cuir pour autre chose qu’être passagère derrière mon homme.
La frustration grandit, tout aussi vite que la peur de continuer à perdre mes fragiles connaissances.
Je ne veux pas devoir reprendre 15h « juste » parce que la préfecture aura mis 2 mois à traiter mon dossier, surtout si ca me force à attaquer mes économies « moto », ces sous durement et longuement rassemblés au compte-goutte cette dernière année, dans le seul et unique but de pouvoir m’offrir une monture qui ne soit pas une trottinette infâme que même des vieux en déambulateurs pourraient dépasser sous un coup d’adrénaline…
Je ne veux pas attendre. Je ne veux plus attendre. Je ne peux plus attendre.
Mais depuis que j’ai décidé raisonnablement de ne plus prendre de leçons tant que mon dossier ne sera pas passé en préfecture, je sombre doucement mais sûrement dans un état de manque à la sévérité inattendue.
Sur la route, là où avant je regardais les motard-e-s me dépasser avec le sourire, je les regarde maintenant avec Envie. Envie, c’est cette petite voix cachée dans un recoin de ma tête et qui me dit :
« Moi aussi je veux dépasser les voitures dans les bouchons, balancer un V à gauche, et un pied à droite. Moi aussi je veux me lever le matin, descendre mon chocolat chaud en fumant ma cigarette, et enfiler casque et cuir avant d’enfourcher ma monture, direction le bureau.
Moi aussi, je veux rouler. »
De temps en temps, le soir, j’ai la chance de pouvoir m’entraîner au lent sur la moto de mon compagnon. Et bien que le look schtroumpfette battue ne me dérange pas plus que ça, les derniers essais se sont tous soldés par d’énormes bleus sur le même tibia; maintenant, non content de ne plus rouler, je boite quand je monte des escaliers, et j’en ai marre.
La patience, ça n’a jamais été mon truc, je le sais. Surtout si ça concerne quelque chose qui me passionne autant. Je voudrais à défaut de pouvoir conduire, passer mes journées dans des garages à apprendre la mécanique, avec l’odeur de graisse et d’essence dans le nez, les doigts et les vêtements tâchés, et un grand sourire accroché aux lèvres.
…Mais mes journées, je les passe enfermée dans un bureau (plus précisément dans un open-space) avec une vingtaine de personnes, zombifiées derrière leur ordinateur.
L’ambiance est très loin du concept d’agréable, chacun rivalisant avec les autres dans un concours d’égoïsme qui frise le ridicule.
Avant, j’avais mes leçons, au moins une par semaine, voire deux, voire trois dans l’idéal.
Et ça me permettait de supporter la morosité ambiante de mon quotidien. Mais il a fallu que j’oublie de faire les papiers pour la préfecture, et me voilà à attendre désespérément que ma demande soit approuvée, assise au milieu des bureaux, mon casque audio me hurlant quelque musique dans les oreilles à longueur de journée, dans l’espoir d’adoucir cette dernière.
Ce message est je crois un appel au secours. Préfecture, si tu m’entends, traite mon dossier, que je puisse rouler à nouveau, par pitié.
Je ne tiendrais pas un mois de plus comme ça.